Charge d'entrainement: Banister et/ou Coggan - Le meilleur des deux mondes

Jean-Claude Hujeux
Résumé:

L'approche de Banister et celle du PMC de Coggan de suivi de la forme en fonction des charges d'entrainement successives sont les mêmes d'un point de vue mathématique, utilisant le même modèle de pondération exponentielle de la charge d'entrainement des séances passées. Les différences essentielles sont d'une part le même poids donné aux valeurs moyennes de condition physique et de fatigue dans la formule du calcul de la forme de Coggan, et d'autre part dans l'interprétation de la forme : le modèle de Banister est prédictif, la forme pouvant être une grandeur de dimension différente de la charge d'entrainement, alors que dans le modèle de Coggan la forme a la même dimension que la charge d'entrainement, et  est un indicateur de l'adaptation de l'athlète à son entrainement récent. Pour des valeurs spécifiques des paramètres du modèle de Banister, on retrouve exactement le modèle de Coggan.
Il est proposé de ré-introduire un facteur de pondération de la fatigue dans le modèle de Coggan, pour mieux caler aux observations expérimentales et permettre que "l'entrainement améliore la performance", ce que le modèle original PMC de Coggan ne permet pas.

Les différences sont plus importantes pour l'estimation de la charge d'un entrainement. Il est proposé d'utiliser le TRIMP incrémental normalisé pour la mesure de la charge d'entrainement lorsque basée sur la fréquence cardiaque, que l'on compare au TSS de Coggan qui lui se base sur la puissance: les deux prennent une valeur 100 pour une heure d'entrainement au seuil (de puissance pour Coggan, de fréquence cardiaque pour Banister), les deux prennent en compte la charge plus importante induite par un entrainement fractionné de même puissance ou fréquence cardiaque moyennes, qu'une séance de même durée à allure constante.  Cependant le TSS de Coggan présente l'inconvénient de ne pas être additif: la charge d'entrainement d'une séance n'est pas égale à la somme des charges d'entrainements de cette séance décomposée en segments. En dépit de la popularité du TSS de Coggan, il est suggéré que l'adoption de l'équation du TRIMP incrémental normalisé, pour la fréquence cardiaque comme pour la puissance serait une approche scientifiquement plus robuste, avec des avantages significatifs sur le plan pratique. C'est le modèle proposé dans la conclusion.


Terminologie:

Condition physique: correspond à la fitness la terminologie de Banister, et au Chronic Training Load (CTL) dans la terminologie de Coggan. Elle est aussi parfois appelée Long Term Stress (LTS). C'est l'effet positif des entrainements successifs

Fatigue: aussi appelé fatigue par Banister, correspond au Acute Training Load (ATL) dans la terminologie de Coggan. Elle est aussi parfois appelée Short Term Stress (STS). C'est l"effet négatif des entrainements successifs

Forme: correspond à la performance dans la terminologie de Banister, et au Training Stress Balance (TSB) dans la terminologie de Coggan. On a forme = a 1 condition physique - a 2 fatigue, où a 1 et a 2 valent 1 pour le modèle de Coggan.

Charge d'entrainement: correspond au TRIMP (TRaining IMPulse) de Banister, et au TSS (Training Stress Score) de Coggan. C'est l'effet de chaque entrainement, combinaison du volume d'entrainement et de son intensité, utilisé pour le calcul de sa contribution à la condition physique et la fatigue.

La décroissance exponentielle: (voir l'article Wikipedia ici)

Elle est au cœur de ces modèles, et consiste à écrire: X n X n-1 , où α<1 : la quantité X diminue proportionnellement à sa valeur, d'un facteur α chaque jour n, en absence d'entrainement. On relie α à la constante de temps τ par la relation α=exp (- 1 τ ) . τ est exprimé en jours. Le tableau suivant donne les valeurs de α pour les valeurs souvent retenues de τ pour la condition physique (42 jours) et la fatigue (7 jours):


DécroissanceABCD
1
τ (jours)
α
1-α
Commentaires
2
7
0.867
0.133
13% de la fatigue résiduelle est éliminée chaque jour
3
42
0.976
0.024
2,4% de la condition physique résiduelle est perdue chaque jour



Comparaison des modèles de condition physique, fatigue et forme de Banister et de Coggan:


Modèle de Banister  Modèle de Coggan Commentaires
 1. L'équation d'évolution
  X n b = w n +α X n-1 b   X n c = ( 1-α ) w n + α X n-1 c Dans l'équation de Banister X n est la réponse pondérée exponentielle aux impulsions d'entrainement successives w n .
Dans l'équation de Coggan, X n est la moyenne mobile exponentielle des impulsions d'entrainements successives w n .
  X n b = i=1 n w i α n-i + X 0 b α n

X n c = ( 1-α ) ( i=1 n w i α n-i + X 0 c ( 1-α ) α n )
Ce résultat s'obtient en raisonnant par récurrence.
En posant X 0 b = X 0 c ( 1-α ) , on obtient:
X n c = ( 1-α ) X n b
Les deux équations sont identiques au facteur multiplicatif ( 1-α ) près.
2. Application à la condition physique c n , fatigue f n et la forme p n
  c n b = X n b ( α 1 ) , f n b = X n b ( α 2 )
p n b = k 1 X n b ( α 1 ) - k 2 X n b ( α 2 )
  c n c = X n c ( α 1 ) , f n c = X n c ( α 2 )
p n c = X n c ( α 1 ) - X n c ( α 2 ) = ( 1- α 1 ) X n b ( α 1 ) - ( 1- α 2 ) X n b ( α 2 )
En choisissant k 1 = ( 1- α 1 ) et k 2 = ( 1- α 2 ) on obtient p n b = p n c : l'équation de Coggan est un cas particulier de l'équation de Banister, qui est plus générale.
Surtout, il est important de noter que le modèle de Coggan ne consite pas à éliminer les facteurs k 1 et k 2 , mais à leur donner respectivement les valeurs ( 1- α 1 ) et ( 1- α 2 ). C'est d'autant plus significatif que pour des constantes de temps de 7 jours et 42 jours pour la fatigue et la condition physique respectivement, on a: 1- α 2 1- α 1 = 0,133 0,024 =5,54 . Alors qu'en valeur moyenne les poids respectifs de la fatigue et de la condition physique sont identiques, en réponse aux impulsions d'entrainement la fatigue a un poids 5,54 fois plus élevé que la condition physique.
 3. Modèle proposé: le meilleur des deux mondes
  p n = ( 1- α 1 ) k 1 p n b = ( 1- α 1 ) X n b ( α 1 ) - k 2 k 1 ( 1- α 1 ) ( 1- α 2 ) ( 1- α 2 ) X n b ( α 2 ) p n = X n c ( α 1 ) X n c ( α 2 ) ; λ= k 2 k 1 ( 1- α 1 ) ( 1- α 2 ) Il est proposé que la forme soit représentée par l'équation de Banister, mais exprimée en fonction des valeurs moyennes pondérées de condition physique et de fatigue, comme dans le modèle de Coggan, en gardant le facteur de fatigue λ du modèle de Banister, soit, en reprenant la notation de Coggan:

forme = CTL - λ . ATL



Discussion - Choix du paramètre λ:

Ce que recherche l'athlète et/ou son coach c'est de pouvoir caractériser l'état de forme de l'athlète, en fonction de son programme d'entrainement. Le modèle de Banister est plus ambitieux, puis qu'il cherche à prédire la performance elle-même, par exemple le temps que met un nageur pour parcourir une certaine distance, ce qui nécessite la présence des paramètres k 1 et k 2 . L'approche PMC de Coggan est plus modeste: elle cherche simplement à caractériser l'état de forme en supposant - ce qui est fort raisonnable - que plus l'état de forme est élevé, meilleure sera la performance. C'est ce qui permet de ne pas avoir à se préoccuper des valeurs absolues des paramètres k 1 et k 2 , une simplification considérable. Cependant le choix de caractériser la forme par la différence des valeurs moyennes pondérées de la condition physique et de la fatigue est arbitraire. Comme indiqué ci-dessus, cela signifie que le modèle de Coggan fait le choix de donner la valeur 5,54 au rapport k 2 k 1 (pour des valeurs de constante de temps de fatigue de 7 jours et de condition physique de 42 jours), et non de l'éliminer. Un autre choix, tout aussi arbitraire serait de choisir la valeur 1 de ce rapport, ce qui reviendrait à supposer que la forme est la différence des réponses aux impulsions d'entrainement de condition physique et de fatigue. Pour contourner cette difficulté Coggan propose d'introduire une dose "artistique", qui combine la forme (TSB) et la condition physique (CTL) en estimant combien de condition physique on peut sacrifier pour réduire suffisamment la fatigue.

L'approche forme = condition physique - fatigue étant purement phénoménologique, c'est dans la vérification expérimentale qu'il faut chercher la réponse à la meilleure valeur possible du rapport k 2 k 1 . L'approche de Banister étant prédictive, de nombreuses études ont été publiées, qui montrent la pertinence du modèle d'un point de vue quantitatif, ainsi que ses limitations. Elles fournissent en particulier  les valeurs obtenues pour les paramètres du modèle. Un tableau représentatif de ces résultats est fourni par A. Coggan dans son article "The Science of the Performance Manager" (2005). On peut en conclure que le rapport k 2 k 1 varie entre 1 et 4, ce qui peut paraître une dispersion forte. Ceci est en partie lié à l'utilisation du modèle de Banister avec des notions diverses de charge d'entrainement et de performance. C'est également lié à la difficulté de la mise en œuvre de telles études. Notons néanmoins que le tableau semble erroné au moins pour la dernière ligne qui mentionne une valeur de 4, puisque la publication  de Hellard et al ici indique une valeur de 1,4 (table 4) ou 1,75 (table 7). Dans tous les cas, la valeur de 5,54 utilisée dans le modèle de Coggan apparaît nettement trop élevée par rapport à ces études expérimentales.

Le tableau ci-dessous montre les valeurs des constantes de temps  τ 1 τ 2 , et du rapport k 2 k 1 :obtenues lors de diverses études expérimentales, ainsi que la valeur de λ correspondante:


Coefficient fatigueABCDE
1
τ 1
τ 2
k 2 k 1
λ
Commentaires
2
42
7
2.85
0.50
Valeurs par défaut retenues
3
50
11
1.8
0.41
Sujet EWB, Morton et al 1990 (course à pied)
4
40
11
2
0.57
Sujet RHM, Morton et al, 1990 (course à pied)
5
36
21
1.28
0.75
Clarke et al, 2013 (vélo)
6
41.4
12.4
2.06
0.63
Mujika et al, 1996 (natation)
7
38
19
1.38
0.70
Hellard et al, 2006 (natation, 7 participants)
8
38
1.8
2.44
0.15
Busso et al, 1991 (vélo, 8 participants)

Le tableau montre également l'extrême variabilité de la constante de temps de fatigue, et son impact important sur la valeur de λ. C'est surtout vrai pour la dernière ligne, où la constante de temps de fatigue (1,8 jours) interpelle. Dans la plupart des autres études, la constante de temps de fatigue est au contraire supérieure aux 7 jours usuellement retenus par défaut, en particulier dans le modèle PMC de Coggan. Cette publication indique qu'il s'agissait de volontaires initialement pas entrainés, et que le niveau de charge des sessions d'entrainement était faible, suggérant que ce soit là l'explication.

Il faut aussi rappeler que ces valeurs sont obtenues de manière itérative afin de minimiser l'erreur entre la performance prédite et la performance mesurée, et que ce processus n'est pas stable. Le sujet est abordé par Mark Liversedge, l'homme derrière le logiciel libre Golden Cheetah, et qui a implémenté le modèle prédictif de Banister dans ce dernier (voir ici). Il confirme la difficulté de trouver des valeurs de τ 1 et τ 2 plausibles et conclut de laisser l'utilisateur déterminer ces valeurs, avec un défaut de 42 et 7 jours comme dans l'approche PMC.

Conclusion: On fait le choix de valeurs par défaut indiqué sur la première ligne du tableau ci-dessus: 42 et 7 jours pour les constantes de temps de la condition physique et fatigue respectivement, et de 0,5 pour le paramètre λ.

Comparaison des modèles de charge d'entrainement de Banister et de Coggan:

De nombreux modèles ont été proposés pour calculer la charge d'entrainement  w s d'une séance, qui multiplient la durée  par l'intensité, pour l'ensemble de la séance ou par intervalles. Pour caractériser l'intensité, le degré de mobilisation de la fréquence cardiaque (Banister), de la puissance(Coggan), et la perception d'effort (RPE, Foster, 2001), basée sur l'échelle de Borg modifiée et ses variantes (voir par exemple  F. Grappe, et al ici). sont les grandeurs les plus fréquemment utilisées. La vidéo de Stephen Seiler ici (en anglais) donne une excellente description des problématiques liées aux métriques de charge d'entrainement, et la différence entre ce qu'il dénomme load, stress et strain, ce qui pourrait se traduire par charge, tension et fatigue. Le diagramme ci-dessous est extrait d'une de ses vidéos:


 
 



Dans ce qui suit on se concentre sur la puissance et la fréquence cardiaque. L'approche étant purement phénoménologique, le choix de quelle(s) approche(s) et modèle(s) utiliser doit être avant tout basé sur des résultats expérimentaux, et sur la faisabilité pratique de la mise en œuvre.

Sanders et al, 1976 ont comparé les 3 approches: RPE pour l'ensemble de la séance, TSS de Coggan (puissance) , et plusieurs variantes de fréquence cardiaque: le TRIMP de Banister (fréquence moyenne pour la séance), deux approches de TRIMP par zone, et une approche TRIMP appliquée à chaque point de mesure, utilisant une relation exponentielle entre la fréquence et l'intensité avec des coefficients différents de ceux de Banister (Manzi et al, 2011), où  l'intensité est liée au taux de lactate dans le sang pour une fréquence cardiaque donnée, mesurée individuellement pour chaque participant). L'étude de Sanders a été effectuée sur une population de 15 cyclistes de très bon niveau, sur une durée de 10 semaines, soit 728 séances.

L'étude de Manzi a concerné 13 coureurs à pied de longue distance "récréationnels", sur une durée de 8 semaines, soit environ 470 séances, et a simplement comparé le TRIMP de Banister avec le TRIMP par intervalle de mesure basé sur la relation fréquence -> taux de lactate dans le sang individualisée. Il faut aussi noter que dans ces études, l'approche est de comparer l'amélioration de performance avec la charge d'entrainement hebdomadaire: il n'y a pas de pondération exponentielle des entrainement successifs.

Néanmoins la conclusion de ces études est que globalement l'approche par point de mesure apporte une amélioration significative comparée aux approches basées sur des moyennes par séance, soit le TSS (puissance) et le TRIMP proposé par Manzi.

Le TRIMP de Manzi est difficile à mettre en oeuvre, puisqu'il suppose d'établir pour chaque athlète sa courbe de taux de lactate dans le sang en fonction de sa fréquence cardiaque. On propose plus simplement d'appliquer la formule de Banister, mais par intervalle de mesure, et normalisée au seuil de fréquence de l'athlète, que l'on compare au TSS de Coggan dans le tableau suivant:



Charge d'entrainementABC
1
Fréquence cardiaque
Puissance
Commentaires
2
1. Les seuils
3
f s : seuil de fréquence tel que par convention la charge d'entrainement sera de 100 pour un entraiment de 1 heure à cette fréquence cardiaque.
FTP: seuil de puissance tel que par convention la charge d'entrainement sera de 100 pour un entrainement de une heure à cette puissance
Comment ces seuils à-priori arbitraires sont reliés aux seuils connus des sportifs sera abordé dans la discussion.
4
2. Les formules
5
CE f =100  D 3600 I f I f = TRIMPI TRIMPI s = i=1 N d i D f r,i f rs exp ( b f rs ( f r,i f rs -1 ) ) TRIMPI=  i=1 N d i D f r,i exp ( b f r,i )
f r = f- f min f max - f min est le degré de mobilisation de la fréquence cardiaque de réserve, qui varie entre 0 et 1. f r,i est le degré de mobilisation de la fréquence de réserve de l'intervalle i

d i est la durée de l'intervalle i, et D est la durée totale de la séance, exprimées en secondes.

TRIMPI est la formule de Banister appliquée à chaque intervalle de mesure, divisée par la durée (intensité). b est égal à 1,92 pour les hommes et 1,67 pour les femmes

TRIMPI s = f rs exp ( b f rs ) est la valeur TRIMPI calculée au degré de mobilisation de la fréquence de réserve  f rs du seuil de fréquence  f s .

I f est l'intensité de la séance en fréquence cardiaque.
CE p =TSS=100 D 3600  I p I p = IF 2 , IF= NP FTP = ( i=1 N d i D ( p 30,i FTP ) 4 ) 1 4 NP= FTP   ( i=1 N  d i D   ( p 30,i FTP ) 4 ) 1 4
p 30,i est la moyenne mobile de la puissance mesurée pendant 30 secondes jusqu'à l'instant i

d i est la durée de l'intervalle i, et D est la durée de la séance, exprimées en secondes.

NP est la puissance normalisée de Coggan

IF est le facteur d'intensité de Coggan

I p est l'intensité de la séance en puissance
CE f est la charge d'entrainement calculée à partir de la fréquence cardiaque, avec la formule de Banister.

CE p est la charge d'entrainement calculée à partir de la puissance. C'est le Training Stress Score de Coggan.

Les deux prédisent:

  • une charge de 100 pour 1 heure d'entrainement à leurs seuils respectifs
  • une charge qui varie non linéairement avec la fréquence cardiaque moyenne ou la puissance moyenne de l'entrainement. La non linéarité est exponentielle pour CE f et quadratique pour CE p  
  • une charge qui varie non linéairement avec les variations d'intensité durant l'entrainement, pour une même durée et fréquence cardiaque moyenne ou puissance moyenne (effet de fractionné). Cette non-linéarité est
    • exponentielle pour CE f , comme en valeur moyenne. Par ailleurs l'intensité I f   de la séance est la somme des intensités de chaque intervalle.
    • quadratique pour CE p , comme en valeur moyenne. Cependant l'intensité I p   de la séance n'est pas la somme des intensités de chaque intervalle.

Discussion:
Dans le cas particulier d'une séance à fréquence constante, on obtient: CE f = 100 3600 D f r f rs exp ( b f rs ( f r f rs -1 ) ) , et dans celui d'une séance à puissance constante p, on obtient: CE p = 100 D 3600 ( P FTP ) 2 . Alors que la puissance n'apparaît que par le rapport entre la puissance et la puissance au seuil, la fréquence apparaît à la fois par le rapport entre le degré de mobilisation de la fréquence de réserve et le degré de mobilisation de la fréquence de réserve au seuil, et par la différence entre ces valeurs. De façon pratique, cela signifie que le modèle de Coggan n'a besoin que de la FTP, alors que le modèle de Banister a besoin de la fréquence de réserve et de la fréquence de réserve au seuil. Dans ce qui suit on fait l'hypothèse f rs =
¤ 0.8¤
. et b
¤ 1.92¤ et on appelle rapport au seuil f r f rs et p FTP .

Examinons maintenant le cas d'une séance de 1 heure, où les 30 premières minutes sont effectuées à 80% du seuil, et les 30 dernières minutes à 120% du seuil:

TSS_2ABCDEF
1
Durée (mn)
NP / FTP
CE p
f f s
CE f
2
Segment 1
30
0.8
32.00
0.8
29.42
3
Segment 2
30
1.2
72.00
1.2
81.58
4
Séance segment 1 + séance segment 2
60
104
111.00
5
Séance (segment 1 + segment 2)
60
1.06
112
111.00

  • La ligne 2 présente en colonne D CE p pour un segment de 30 minutes à 80% de la FTP, et en colonne F CE f pour un segment de 30 minutes à 80% de la fréquence de réserve au seuil.
  • La ligne 3 présente en colonne D CE p pour un segment de 30 minutes à 120% de la FTP, et en colonne F CE f pour un segment de 30 minutes à 120% de la fréquence de réserve au seuil.
  • La ligne 4 présente CE p (colonne D) et CE f (colonne) pour la combinaison des segments précédents considérés comme des séances distinctes: c'est la somme des CE des lignes 2 et 3.
  • La ligne 5 présente CE p (colonne D) et CE f (colonne) pour la combinaison des segments précédents considérés comme une seule séance: c'est l'application des formules par intervalle.
On observe bien pour la séance combinée une augmentation de la charge d'entrainement par rapport à une séance au seuil, proches l'une de l'autre (12% pour CE p et 11% pour CE f ) due à la variation d'intensité entre les deux segments.
On observe aussi que les CE f sont identiques (111) alors que les CE p sont différents (104 et 112) pour les segments considérés comme des séances distinctes, et la séance combinée. C'est la conséquence directe de la non additivité des intensités par intervalle dans la formule du CE p de Coggan: la charge d'entrainement de la séance est supérieure à la somme des charges d'entrainement de chaque segment, ce qui a un effet accélérateur à la non-linéarité liée à la variation d'intensité.

Les 3 graphiques ci-dessous illustrent les similitudes et différences entre les deux modèles:



   
 Figure 1
Figure 2
 Figure 3

La figure 1 montre la variation comparée de CE f et CE p d'une séance de 1 heure à rapport au seuil constant, en fonction de ce rapport au seuil. Par définition les courbes se coupent en (0,0) et (100,100). La variation de CE au voisinage du seuil est légèrement plus rapide en fréquence qu'en puissance. L'écart entre les deux CE est inférieure à 13% sur la plage 0 - 120% du seuil, et croît au-delà.

La figure 2 montre la variation comparée de CE f et CE p d'une séance de 1 heure, en fonction du rapport au seuil du premier segment d'une séance de 2 segments à rapports au seuil constant, et où le 2ème segment est au seuil, les segments étant d'une durée égale de 30 minutes. Les CE ajoutés de chaque segment considéré comme une séance distincte et les CE combinés de la séance constituée des 2 segments sont montrés. Le graphique illustre l'effet dû à la non additivité de la formule de Coggan: les CE en fréquence sont identiques, et relativement proches du CE ajouté en puissance, tandis que le CE p combiné est nettement plus élevé pour les faibles valeurs de puissance (16% et 40% à 50% et 10% du seuil respectivement).

La figure 3 montre la variation comparée de CE f et CE p d'une séance de 2 heures, en fonction du rapport au seuil d'un premier segment de 15 minutes (qui pourrait regrouper des séquences de fractionné), le deuxième segment étant à seuil constant, ajusté pour que le seuil moyen de la séance soit de 80%. L'échelle verticale démarre à CE = 100. Les tendances des CE fréquence et puissance sont les mêmes, avec un CE puissance  9% plus élevé lorsque le rapport au seuil du segment est de 0,8, ce qui correspond à une séance à rapport au seuil constant de 0,8 (écart qui se retrouve sur la figure 1), croissant légèrement pour atteindre 14,6% pour un rapport au seuil du segment de 1,3. L'augmentation de CE entre la séance à fraction du seuil constante de 0,8, et celle où les 15 minutes de fractionné sont réalisées à 1,3, l'augmentation est de 21% pour le CE p et de 15% pour le CE f .

La figure 3 montre également le CEP ajouté, somme des CE p des deux segments considérés comme 2 séances distinctes. Il ne croît que 5%: c'est bien la non-additivé de la formule de Coggan qui permet la forte augmentation d'intensité globale de la séance en fonction de la variation d'intensité durant la séance, ce qui est souhaitable. C'est aussi elle qui est responsable de la forte surestimation de l'intensité globale pour une séance dont la moitié se passe à intensité faible, ce qui l'est beaucoup moins.

La non-additivité de la formule de Coggan est connue des experts, et elle est assumée par Coggan lui-même (voir par exemple cette discussion animée en 2009 sur le forum Google Groups de Golden Cheetah). Si l'on peut admettre que la charge d'entrainement d'une séance soit supérieure à la charge d'entrainement de ses deux segments, la contribution à la charge d'entrainement du premier segment ne saurait dépendre du second, sauf à violer le principe de causalité, et on aurait nécessairement CE p ( S1+S2 ) = CE p ( S1 ) + CE p ( S2; S1 ) . Par ailleurs clairement la charge  d'entrainement d'une séance de 1/2 heure ne saurait augmenter de 40% et plus par l'ajout d'un segment de 1/2 heure à très faible intensité.

Finalement, remarquons que globalement les prédictions des deux modèles restent proches et exhibent les mêmes tendances. L'équation de Banister évite les inconvénients de la formule de Coggan, tout en respectant le principe d'additivité, ce qui rend son interprétation et utilisation plus simple. Il est donc suggéré de l'utiliser également pour calculer le CE basé sur la puissance, ce qui donne, en remplaçant f r f rs par p 30,i FTP dans la formule du CE f :
CE p b = 100 D 3600 i=1 N d i D p 30,i FTP exp ( b p ( p 30,i FTP -1 ) )
Si on choisit b p = 1,92 * f rs , les courbes CE p b se superposent exactement aux courbes CE f .sur les figures 1, 2 et 3: CE p b = CE f . Dans ce qui suit, on utilisera la notation CE r = 100 D 3600 i=1 N d i D r i exp ( b r ( r i -1 )) , CE r désigne la charge d'entrainement pour le rapport au seuil r, avec  r=f, b f =1,92, r i = r f,i = f r,i f rs pour la charge d'entrainement en fréquence cardiaque, et  r=p, b p = b f * f rs , r i = r p,i = p 30,i FTP pour la charge d'entrainement en puissance.

Fréquence et puissance - seuils et rapports aux seuils:

Avoir des formules identiques pour la charge d'entrainement en fréquence cardiaque et la charge d'entrainement en puissance ne signifie pas qu'elles prédiront la même charge d'entrainement pour une séance d'entrainement donnée, tout simplement parce qu'à chaque intervalle de mesure d'une même séance on aura r f,i r p,i . On cherche néanmoins à minimiser cette différence, tout en sachant que la charge d'entrainement en fréquence cardiaque n'est pas de même nature que celle en puissance: la puissance est plus proche du résultat - la performance - que ne l'est la fréquence cardiaque, qui est plus proche d'une notion de moyens. Dans le langage de Stephen Seiler, mentionné plus haut, la puissance mesure la charge externe, et la fréquence cardiaque le coût interne. La littérature scientifique décrit néanmoins une relation linéaire entre la puissance et la fréquence cardiaque, au moins jusqu'à un point d'inflexion indicatif de la transition aérobie - anaérobie, comme illustré ci-dessous.


   
 Figure 4 (d'après Arts & Kuipers, 2008)
 Figure 5: diagramme généré par le logiciel Golden Cheetah
 Figure 6: Relation linéaire entre puissance et fréquence et seuils associés


La figure 4 résume les observations pour un groupe de 53 athlètes soumis à des tests incrémentaux sur ergomètre. La figure 5 présente la relation entre puissance et fréquence cardiaque pour la sortie réelle d'un cycliste. Chaque point correspond à un intervalle de mesure (un lissage et un décalage sont effectués pour réduire le décalage entre les variations instantanées de puissance et les variations plus lentes de fréquence cardiaque). Là encore on renvoie aux excellentes vidéos de Stephen Seiler, qui étudie particulièrement les séances d'entrainement longues à intensité moyenne et présente des mesures à puissance constante durant l'entrainement, qui le conduisent à poser: %HRR %6MMP 1 , avec %HRR=100 f r et %6MMP= 100  p 6MMP où MMP est la puissance maximale que l'athlète peut développer durant 6 minutes (pouvant être considérée comme la PMA). Avec cette notation on a 100  p FTP = %60MMP . Rappelons qu'avec le modèle proposé, on prédit CE f CE p =1 si r f = r p soit f r f rs = p FTP :, soit encore  100 f r 100  p 6MMP = f rs 100 FTP 6MMP 1 : c'est la relation de Seiler, illustrée sur la figure 6: les points ( p, f r ) de valeur ( 0,0 ) , ( FTP, f rs et  ( 6MMP f r,max =1 ) sont alignés. Chaque athlète a sa propre relation entre fréquence cardiaque et puissance, définie par f min , f max , 6%MMP, FTP ou f s . Notons que FTP ou f s ne sont nécessaires que pour caler la valeur 100 de CE au TSS de Coggan, qui vaut 100 à la FTP.

Notons que nous ne supposons pas que f min soit la fréquence cardiaque au repos. C'est par définition l'ordonnée à l'origine de la droite qui relie la puissance à la fréquence cardiaque de l'athlète (la puissance cardiaque à 0 watts), généralement supérieure à la fréquence cardiaque au repos. Seiler indique utiliser la fréquence cardiaque au repos. Pour des cyclistes de haut niveau, et pour des séances à allure constante et faible intensité il reporte des valeurs de %HRR %6MMP supérieures à 1, et utilise la fréquence cardiaque au repos. Il propose alors d'utiliser la valeur en fin d'échauffement, pour normaliser par rapport à cette valeur (notion de IN/Ex_Stress, ici). Nous suggérons qu'une valeur de de fréquence à 0 watts supérieure à la fréquence au repos pourrait expliquer cet écart.

Finalement, une fois le modèle établi, comme Seiler, nous proposons d'interpréter les écarts à 1 comme des informations d'amélioration de performance ou de fatigue.

Notons également que CE f et CE p étant proches, dans le cas où la mesure de puissance n'est pas disponible, CE f pourra être utilisée à la place dans le suivi de la condition physique, fatigue et forme.

Conclusion:

Le modèle proposé est le suivant:

1. Pour la charge d'entrainement : CE r = 100 D 3600 i=1 N d i D r i exp ( b r ( r i -1 )) , où CE r désigne la charge d'entrainement pour le rapport au seuil r, avec:
   Le modèle nécessite de déterminer, pour chaque athlète:
  • pour la fréquence cardiaque: f min : la fréquence cardiaque à 0 Watts, f max : fréquence cardiaque maximale, f s : fréquence cardiaque moyenne correspondant à la FTP
  • pour la puissance: la FTP.
2. Pour la condition physique, fatigue et forme:
  • condition physique: CP r,n = ( 1- α cp ) CE r,n + α cp CP r,n-1 , α cp =exp ( -1 τ cp )
  • fatigue: FG r,n [ ( 1- α fg ) CE r,n + α fg FG r, n-1 ] , α fg =exp ( -1 τ fg )
  • forme = condition physique - fatigue.
  On a donc deux séries d'expressions disponibles, en fréquence cardiaque ( CP f , FG f , FG f ) , et en puissance ( CP p , FG p , FE p ) . , construites pour être interchangeables (cas où la puissance ne serait pas disponible pour toutes les séances d'entrainement), ou à comparer pour l'analyse des écarts.

  Le modèle utilise les valeurs de paramètres suivants, qui peuvent être adaptés à chaque athlète:
  • τ cp =42, τ fg =7, λ=0,5